C'est quoi l'abolitionnisme ?




L'ABOLITIONNISME est un mouvement apolitique et féministe qui propose de lutter contre le phénomène prostitutionnel de la manière suivante:

- Accompagner, être aux côtés des personnes prostituées

- Leur proposer une alternative à la prostitution

- Responsabiliser voire pénaliser les clients-prostituteurs

- Réprimer réellement les proxénètes

- Mettre en place des mesures de prévention et d'éducation

dimanche 20 février 2011

Les pro-prostitution me gavent

Putophobes, moralisatrices, puritaines ...
Coincées du cul, intello-bourgeoises ...
Complotistes, manipulatrices de chiffres, prohibitionnistes ...
Voici la liste incomplète des accusations et insultes adressées aux abolitionnistes pêchées sur ce blog pro-prostitution que m'a signalé mon amie Euterpe. Probablement mal renseignée ou de très très mauvaise foi et fonctionnant sur le principe des clichés qu'elle dénonce par ailleurs, l'auteure de cette vindicte sans appel ne connait apparemment pas ce que recouvre l'abolitionnisme. Aussi, en guise de droit de réponse légitime et dans la perspective de présenter le mouvement aux néophytes, je publie une interview de Claudine Legardinier parue sur le site d'Alternative Libertaire.


Quel bilan peut-on faire de la Loi de sécurité intérieure (LSI, 2003) quant à l’aggravation de la situation des prostitué-e-s ?

Claudine Legardinier : La LSI est une mauvaise loi. Elle fragilise davantage les personnes prostituées en faisant peser sur elles la répression, elle est impuissante à démanteler des réseaux (ce qui était pourtant son argument de vente). Enfin elle renie les engagements de la France : Convention de l’Onu de 1949 et Protocole sur la traite de la Convention de Palerme de 2000 qui posent comme principe la protection des prostituées, en tant que victimes et non délinquantes. La LSI traite de la question de la prostitution uniquement comme un trouble à l’ordre public. Son but est le « nettoyage » des trottoirs et l’expulsion des étrangères. Les réponses sociales prévues par la loi sont quasi-inexistantes. Les clients prostitueurs sont confirmés dans leur bon droit et invités à profiter de la vulnérabilité croissante des personnes qu’ils exploitent. Les proxénètes organisent tranquillement de nouvelles formes, plus discrètes, de prostitution.

Constatant cette aggravation, certains économistes néolibéraux et groupes pro-prostitution défendent la légalisation de la prostitution sur le modèle néerlandais ou suisse. Qu’en pensez-vous ?

Claudine Legardinier : Légaliser ou réglementer la prostitution est un argument de façade, une vitrine « droits des personnes » qu’ont su habilement mettre en avant les lobbys proxénètes. Leur véritable objectif était d’obtenir la dépénalisation du proxénétisme. Dans le but de remplir les caisses, les États se sont empressés de se faire les alliés objectifs des marchands de femmes, promus « entrepreneurs du sexe ». Neuf ans après la légalisation aux Pays-Bas, l’échec est retentissant. Rares sont les personnes prostituées qui se déclarent. L’immense majorité refuse l’étiquette de « travailleuse du sexe » et fait tout pour échapper aux impôts, taxes et cotisations. Rares sont les contrats signés par les tenanciers, qui n’en veulent pas. La stigmatisation est toujours ce qu’elle était. Pire, les autorités ferment en catastrophe une quantité d’établissements de prostitution, envahis, de leur propre aveu, par la prostitution forcée, le viol et le trafic d’êtres humains.
Au final, la législation s’avère surtout un moyen de contrôle sur les sans-papiers qui sont pourchassés et encore plus marginalisées. Idem en Allemagne, où la prostitution a été légalisée en 2002.
Le bilan dressé récemment par le directeur de la police criminelle d’Augsburg, est sans appel. Il constate que « la position juridique du tenancier a été durablement renforcée et malheureusement celui de la prostituée distinctement affaibli. » Il dénonce les « hommes de paille irréprochables » placés à la tête de grands bordels assimilés à des entreprises de loisirs, et « les vrais responsables, qui agissent en arrière-plan » issus directement « du milieu des souteneurs ou du grand banditisme ». Il pointe les bénéfices colossaux enregistrés par ces établissements en avançant le chiffre de 100 000 euros par mois pour les plus petits ainsi que les journées imposées en réalité aux personnes prostituées, « rarement au-dessous de 16 heures par jour ». Croire que des établissements légaux transforment les proxénètes en philanthropes respectueux des droits humains relève de la farce.

Certains groupes pro-prostitution, pour marquer leur opposition au proxénétisme, revendiquent la réglementation mais uniquement pour les « indépendantes »…

Claudine Legardinier : Les indépendantes, c’est le rêve des patrons de bordels. La loi allemande, par exemple, précise qu’une prostituée avec statut d’employée ne peut pas être forcée (en théorie !) par son employeur à accepter clients, pratiques, cadence… Du coup, les brothel operators préfèrent les libérales qui coûtent moins cher à exploiter.
Beaucoup d’indépendantes ont en effet peur d’exercer en solo et passent un contrat de prestation avec des établissements ; ce qui ne les met nullement à l’abri de la violence, et d’abord de la violence des clients, comme le prouve une récente enquête menée à Genève. Les proxénètes sont blanchis en simples hôteliers, puisqu’ils se contentent de louer des chambres (très cher) mais ils imposent toutes sortes de contraintes : horaires, prestations, prix, examens médicaux (dont sont naturellement dispensés les clients).
Qu’on le veuille ou non, tout statut profite au final au « système proxénète », il crée une culture prostitutionnelle en la normalisant comme service garanti à la moitié masculine de la population. Franchement, à l’ère du capitalisme libéral, dont on connaît la logique, qui peut encore croire à la sauvegarde de l’indépendance et du petit artisanat ?

Que faire alors pour améliorer la condition sociale et la dignité des prostitué-e-s ?

Claudine Legardinier : Nous, abolitionnistes, refusons tout statut spécifique qui revient à les enfermer dans un destin que la majorité d’entre elles refuse. Il faut informer les personnes prostituées pour qu’elles sachent qu’elles peuvent cotiser comme tout le monde pour accéder aux droits (santé, retraite) ; améliorer leur quotidien en supprimant toute mesure de répression ; leur offrir un accompagnement pour oser porter plainte en tant que victimes de violences (qui sont fréquemment le fait des clients prostitueurs).
Il s’agit de leur proposer de réelles alternatives. La situation actuelle les force à rester dans la prostitution, faute de soutien et de perspectives. Cela les amène, par légitime souci de dignité, à revendiquer cet état de fait. Aucun progrès ne sera possible sans une lutte acharnée contre le regard stigmatisant qui continue de peser sur elles, y compris dans les tribunaux, et qui entrave leur accès aux droits et les condamne au silence.
Au-delà, nous appelons à une politique sociale d’ensemble en direction des populations précarisées, à commencer par les jeunes de moins de 25 ans. Ce sont ces catégories, poussées au désespoir, qui croient sur parole les chantres de la prostitution « libre », si bien relayés dans les médias !
Nous souhaitons pénaliser les clients prostitueurs sur le modèle suédois ; mener un important travail de formation et d’information pour changer les mentalités ; sensibiliser les médias, l’ensemble des acteurs sociaux (police, justice, etc…) ; développer une politique volontariste en luttant contre toutes les formes de violences et de maltraitances et en promouvant une éducation non sexiste.

Propos recueillis par Guillaume Davranche (AL Paris Sud)- 2009- 

lundi 14 février 2011

La pornographie à visage découvert

Je copie ici des extraits d'un texte d'Andréa Dworkin, la féministe qui a le mieux, à mes yeux, parlé de la pornographie. De la prostitution aussi, j'y reviendrai dans un autre billet.

"La pornographie et le désespoir" est un texte poignant et sans détours inutiles comme tout ce que son auteure, peu traduite en France, a écrit. Je vous invite à le lire dans son intégralité tant on a l'impression qu'elle est allée chercher les mots enfouis dans notre propre coeur.

Je nuancerais toutefois son propos par le constat personnel qu'il y a aussi des hommes qui ont su mettre en perspective l'éducation misogyne qu'ils ont reçue et qui luttent au jour le jour contre la pornographie et la prostitution aux côtés des femmes, des féministes. Je suppose que le mâle dont elle parle fait référence au groupe sociologique des hommes, pas aux individus, certes rares, qui peuvent s'être affranchi de leur conditionnement misogyne.

La pornographie est en soi abjecte. Ce serait mentir que de la caractériser autrement et le fléau des rationalisations et des sophismes mâles ne peut ni changer ni cacher ce simple fait. Georges Bataille, un philosophe de la pornographie (qu’il appelle "érotisme"), l’exprime très clairement : "Dans son essence, le domaine de l’érotisme est le domaine de la violence, de la violation ."

[...]

Aucune d’entre nous n’aurait pu imaginer ou croire possibles ces simples faits quotidiens que nous avons maintenant appris à connaître : la rapacité du désir de domination des mâles, la méchanceté de la suprématie mâle et le virulent mépris pour les femmes qui est le fondement même de la culture dans laquelle nous vivons. Le mouvement de libération des femmes nous a toutes obligées à regarder ces faits bien en face et pourtant, aussi courageuses et éclairées que nous soyons et aussi loin que nous soyons prêtes à aller (ou forcées d’aller), dans une vision de la réalité qui exclurait le romantisme et l’illusion, nous restons encore atterrées devant la haine des mâles pour notre sexe, sa mordibité, sa compulsivité, son obsessivité, son autocélébration dans chaque détail de la vie et de la culture. Nous pensons avoir enfin compris cette haine une fois pour toutes,l’avoir vue dans toute sa spectaculaire cruauté, en avoir compris tous les secrets, nous y être habituées ou l’avoir dépassée ou encore nous être organisées contre elle de manière à nous protéger au moins de ses pires excès. Nous pensons savoir tout ce qu’il y a à savoir sur ce que les hommes font aux femmes, même s’il nous est impossible d’imaginer pourquoi, quand tout à coup quelque chose se produit qui nous affole, nous fait perdre la tête, de sorte que nous nous retrouvons à nouveau emprisonnées comme des animaux en cage dans la réalité paralysante du contrôle mâle, de la vengeance mâle contre on ne sait quoi, de la haine mâle pour notre existence même.

[...]

On peut tout savoir et pourtant être incapable d’accepter le fait que la sexualité et le meurtre soient à ce point amalgamés dans la conscience mâle, que la première soit impossible et impensable sans la possibilité imminente de l’autre. On peut tout savoir et pourtant, au fond de soi, refuser encore d’accepter que l’anéantissement des femmes soit pour les hommes la source de leur pensée et de leur identification.

[...]

L’aspect le plus terrible de la pornographie, c’est qu’elle révèle la vérité sur les mâles, et son aspect le plus pernicieux, c’est qu’elle impose cette vérité mâle comme si c’était la vérité universelle. Ces descriptions de femmes enchaînées que l’on torture sont censées représenter nos aspirations érotiques les plus profondes. Et quelques-unes d’entre nous le croient, n’est-ce pas ? L’aspect le plus important de la pornographie, c’est que les valeurs qui y sont charriées sont les valeurs partagées par tous les hommes. C’est là un fait capital que la droite comme la gauche mâles, de manières qui sont différentes mais qui se renforcent mutuellement, veulent dissimuler aux femmes. La droite mâle veut cacher la pornographie, la gauche veut cacher sa signification.

[...]

La pornographie n’est pas une forme d’expression isolée et distincte du reste de la vie ; c’est une forme d’expression toujours parfaitement harmonisée à la culture au sein de laquelle elle s’épanouit. Et cela reste vrai, que la pornographie soit légale ou illégale. Dans un cas comme dans l’autre, la pornographie permet de perpétuer la suprématie mâle et les crimes de violence envers les femmes car elle conditionne, entraîne, éduque et incite les hommes à mépriser les femmes, à les utiliser et à leur faire mal. La pornographie existe parce que les hommes méprisent les femmes, et les hommes méprisent les femmes en partie parce que la pornographie existe.

[...]

Quant à moi, la pornographie me détruit comme jamais la vie n’a pu le faire, du moins jusqu’à maintenant. Quelles que soient les luttes et les difficultés que j’aie connues dans ma vie, j’ai toujours eu le désir de trouver un moyen de continuer même si je ne savais pas comment, pour vivre un jour de plus, apprendre une chose de plus, faire encore une promenade, lire encore un livre, écrire un autre paragraphe, voir encore un ami, aimer encore une fois. Quand je lis ou que je vois de la pornographie, je voudrais que tout s’arrête.

[...]

Parfois, c’est un détail qui me rend folle. Je regarde, par exemple, une série de photographies : une femme se tranche les seins au couteau, se barbouille le corps de son propre sang, s’enfonce une épée dans le vagin. Et elle sourit. C’est ce sourire qui me rend folle.

[...]

Personne ne veut arrêter cela, nos chers intellectuels le défendent, d’élégants avocats progressistes plaident en sa faveur et des hommes de tous les milieux ne peuvent et ne veulent vivre sans cela. Et la vie, qui est tout pour moi, perd tout son sens car ces célébrations de la cruauté détruisent ma capacité même de sentir, d’aimer et d’espérer. Je hais les pornographes par-dessus tout parce qu’ils me privent de l’espoir.

samedi 12 février 2011

Bienvenue !

Si vous vous posez des questions sur la prostitution,
si vous avez le vague sentiment qu'elle génère de la souffrance,
si vous en êtes convaincu.e,
si vous voyez la pornographie comme une violence de plus envers les femmes,
si elle vous gêne sans trop savoir pourquoi ...
vous êtes au bon endroit !